Journée de l’enfant africain. Hier, 180 jeunes Camerounais de 8 à 18 ans se sont réunis au Palais des Verres de Ngoa-Ekelle, à Yaoundé. Pour savoir ce que les enfants avaient vraiment à dire, il fallait assister aux répétitions de la veille.
Journée de l’enfant africain. Hier, 180 jeunes Camerounais de 8 à 18 ans se sont réunis au Palais des Verres de Ngoa-Ekelle, à Yaoundé. Pour savoir ce que les enfants avaient vraiment à dire, il fallait assister aux répétitions de la veille.
« Vous parlez d’amitié franco-camerounaise mais qu’est-ce qu’ils font, les Français, pour aider les Camerounais ? », demande un député junior.
Ce mercredi 15 juin, au Palais des Verres, à Yaoundé, les dernières répétitions du Parlement des enfants sont en cours. Les questions des jeunes fusent. Au perchoir, un des membres de l’administration de l’Assemblée Nationale se lance dans une réponse en forme de rappel historique : « Le Cameroun a été colonisé par la France […] aujourd’hui, les Français font beaucoup pour aider les Camerounais à améliorer leur situation en leur accordant des prêts, des dons ». Au Cameroun comme en France, on enseigne donc l’Histoire par omission.
La réponse ainsi donnée, un autre jeune se dresse du dernier rang : « Est-ce que les femmes aussi peuvent être présidentes de l’Assemblée Nationale ? » Et puis les demandes se font plus prosaïques : « Nous sommes députés juniors. Est-ce que cela va nous garantir un travail ? » « Est-ce que son Excellence Paul Biya sera là demain ? »
Diba Mbock, 15 ans, siège à la droite de l’Assemblée. Elle étudie en classe de seconde au lycée technique d’Edéa. « J’ai été élue parce que j’étais la meilleure de mon lycée », se vante-t-elle. D’autres sont portés par un engagement plus personnel lié au thème de cette année : « Tous ensemble pour des actions urgentes en faveur des enfants des rues ». Atah Nyam, 11 ans, est de ceux-là. Avec 31 autres députés juniors, il est venu représenter sa région, celle du Littoral. Il s’est personnellement informé sur la situation des enfants des rues. « J’ai regardé deux documentaires et j’ai lu la Convention des droits de l’enfant. J’ai aussi des amis qui ont fugué après avoir été maltraités par leurs parents », explique-t-il. A ses côtés, Aliou Moustapha Junior, 12 ans, représente la région de l’Est. Il a lui-même vécu dans la rue. Il est donc venu pour aider à résoudre ce problème qu’il connaît bien.
Le lendemain, à 9 heures, les députés juniors arrivent à l’Assemblée Nationale en rangs d’oignon. Atah Nyam, en tenue d’apparat, monte les marches qui le conduisent au séjour. Les flashs des paparazzis crépitent. Par petits groupes, les enfants s’installent dans les larges fauteuils. Certains sont happés par un journaliste de radio, micro à la main et casque sur les oreilles. Cela ne semble pas les troubler. D’autres, comme Aliou Moustapha, avec une aisance presque insolente font même signe aux photographes de les prendre en photo.
Les paillettes ont au moins le mérite de les faire patienter jusqu’à l’arrivée des corps diplomatiques, des organisations internationales, des membres du gouvernement et, enfin, du Président de l’Assemblée Nationale. Tous n’entreront en scènes qu’à 11 heures passées.
Dès lors, les interventions se suivent et se ressemblent. Toutes débordent de salutations et de remerciements. Après le discours du représentant de l’Unicef au Cameroun, celui du ministre des Affaires sociales, celui du président de l’Assemblée Nationale lui-même, à 11H50 mn, la parole est enfin aux enfants. Mais déjà, sur leurs visages, l’ennui le dispute à l’impatience.
A chacune des cinq questions posées, un ministre se lance dans un long monologue tissé de technique et de langue de bois. Les questions sont pourtant claires et simples. Peut-être trop : Que comptez-vous faire pour que, cinquante ans après l’indépendance, toutes nos familles aient accès à l’eau ? Que fait le gouvernement pour assurer la sécurité et la stabilité de l’emploi de nos parents ? Pour lutter contre la mortalité infantile ? Pour préserver les enfants de l’irresponsabilité de certains parents ? Pour bannir les abus sexuels perpétrés au sein des établissements scolaires ? (Lire encadré)
Au terme de l’ordre du jour, est inscrit le vote de la résolution finale rédigée par les enfants. Sans surprise, ils l’approuvent à l’unanimité. L’empressement témoigné par le président de l’Assemblée Nationale à clore les débats est étonnant. « Y a-t-il des questions dans l’assemblée ? » A peine a-t-il terminé de prononcer ces mots que déjà, il conclut : « Puisqu’il n’y en a pas, je déclare la clôture du Parlement des enfants. » Au total, sur deux heures, « le fer de lance de la nation » n’aura disposé que de neuf minutes pour faire entendre sa voix, soit moins de 8% du temps de parole global.
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